Tunisie : le big bang des municipales
ANALYSE. 2 173 listes ont été déposées pour le scrutin du 6 mai prochain, qui sera marqué par les nouvelles règles de parité imposées par l'Instance indépendante en charge des élections (Isie).PAR NOTRE CORRESPONDANT À TUNIS, BENOÎT DELMAS
La Tunisie va tenir le 6 mai prochain les premières élections municipales depuis la Révolution de 2011. © AFP/Fethi Belaid
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La seconde étape de la course aux municipales s'est achevée le 22 février avec l'enregistrement par l'Isie (l'Instance supérieure indépendante en charge des élections) et ses antennes régionales (Irie) de 2 173 listes. Les deux poids lourds de l'ARP (Assemblée des représentants du peuple) – les islamistes d'Ennahdha et les conservateurs de Nidaa Tounes – ont déposé des listes dans chacune des 350 circonscriptions à conquérir. La campagne officielle démarrera le 14 avril pour s'achever le 4 mai, 36 heures avant l'ouverture des bureaux de vote.
Climat de désillusion politico-économique
Ce scrutin vital pour la Tunisie se déroulera dans une humeur maussade. Les Tunisiens oscillent entre le rejet de leur classe politique, le désir de boycotter le scrutin et un besoin vital de renouveau. Sept ans après la révolution, la population attend un sursaut économique. Le chômage a encore augmenté au dernier trimestre 2017, affichant un taux national de 15,5 %. L'inflation ne cesse de grimper : + 6,9 % sur les douze derniers mois. Le dinar cède du terrain face à l'euro. Une unité de la monnaie de la zone euro s'échange pour 2,94 dinars (vendredi 23 février). La balance commerciale affiche un déficit à deux chiffres. Conséquence : les réserves en devises sont tombées à 82 jours. Des rentrées liées à l'huile d'olive et aux dattes sont cependant prévues. Et la troisième tranche du prêt contracté auprès du FMI tarde à venir. Le conseil de l'institution financière issue des accords de Bretton Woods devait prendre une décision le 15 février. Elle a été ajournée à mi-mars. « In'ch Allah », s'amusait un cadre de la BCT (Banque centrale de Tunisie).
Le vaste chantier de la décentralisation
Pour la première fois de son histoire, la Tunisie va connaître son premier scrutin libre et démocratique. Un exercice crucial pour la « décongestion » des prises de décision étatiques au niveau local. Ce seront 350 communes qui mailleront désormais le territoire. Ainsi que 365 districts. Pour que l'exercice démocratique – né de la révolution de 2011 – soit parachevé, les 350 communes ont besoin d'un cadre légal : un code des collectivités locales est actuellement en discussion à l'ARP. Ce code sera la règle du jeu financière et juridique de la décentralisation. Sera-t-il voté par les parlementaires avant les élections du 6 mai ? Malgré les réticences d'une partie de l'appareil d'État, cela devrait être fait dans les délais impartis. Mais le temps que les décrets d'application soient signés, « il faudra entre 18 mois et 2 ans pour que les mairies puissent fonctionner de manière autonome ». En attendant, le gouverneur (préfet) demeure le pouvoir absolu. Il peut biffer d'un revers du stylo la moindre décision prise par un conseil municipal. On assiste à l'éternel conflit entre un État hyper centralisé et une promesse de décentralisation. Le premier ne souhaitant pas lâcher le moindre de ses pouvoirs et encore moins transférer des budgets à de nouvelles entités administratives.
Le 6 mai prochain, sous l'œil attentif de la communauté internationale qui enverra des observateurs, les municipales auront pour principal obstacle l'abstention, les sondages (désormais interdits par l'Isie) font état d'une abstention record chiffrée à 70 %. Ce qui privilégiera Ennahdha et Nidaa Tounes, les deux seuls partis disposant d'argent et de militants. Off, un hiérarque de Nidaa explique que trois critères encadreront le scrutin : « un, la participation, deux, l'efficience des réseaux RCD (parti dissous du dictateur Ben Ali), trois, l'argent. » Face à cette logique d'appareil, des listes indépendantes ont fleuri dans tout le territoire, mais la situation n'a rien de simple. Pour exemple, un candidat indépendant s'amuse que « la tête de liste de Nidaa Tounes à El Hamma soit un membre de Ennahdha alors qu'au Bardo la liste Ennahdha est membre de Nidaa Tounes. » Ce fait, signalé par l'un des coordinateurs de l'Union civile (qui regroupe 11 partis indépendants), illustre l'entente entre les deux mastodontes de l'ARP. La campagne officielle démarrera le 14 avril. Elle devrait permettre l'émergence de nouvelles têtes.
Une féminisation du paysage politique
Les règles instituées par l'Isie vont féminiser de façon spectaculaire la vie politique, la parité hommes-femmes est verticale et horizontale. Toutes les classes sociales seront représentées, voilà un des objectifs à long terme pour que les élus soient représentatifs de la population. Pour l'heure, L'Isie vérifie la validité des 2 173 listes. Malgré le risque de l'abstention, malgré les tentatives politiciennes de certains partis, le 6 mai au soir, la Tunisie aura posé la première pièce de la maison « décentralisation ». Un vaste chantier qui modifiera à jamais la structure décisionnelle du pays. Cela prendra peut-être deux, cinq ou sept ans, mais la transformation est en marche.
source: LePoint
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