Nous marchons les yeux ouverts vers quelque chose que personne ne veut vraiment

Il y a des moments dans l’histoire où un pays donne l’impression de marcher en somnambule. Les gens vivent, travaillent, courent après la fin du mois, et pendant ce temps-là, quelque chose gronde au-dessus de leurs têtes. Une tension sourde, presque imperceptible, mais bien réelle. Et petit à petit, on comprend que ce bruit de fond, ce n’est pas un orage lointain : c’est la guerre qu’on commence à évoquer comme si c’était une fatalité.

Depuis quelques semaines, quelque chose a basculé. Pas un grand discours officiel, pas une déclaration solennelle à la nation. Non. C’est venu par fragments, comme des éclats de vérité qu’on entendait rarement auparavant : un jeune lieutenant qui dit au JDD que « si on y va, ce sera un carnage ». Un général qui parle d’instrumentalisation politique des armées. Des sondages qui montrent que les jeunes ne veulent plus “aller défendre le pays” sans comprendre ce qu’on leur demande. Des articles qui parlent de “patriotisme européen” comme si c’était une nouvelle identité qu’on doit adopter d’urgence.

Et surtout, surtout : des militaires français qui commencent à parler hors des circuits officiels.
Ça, c’est nouveau.
Ça, c’est un signal.

Quand ceux qui iraient en premier avertissent en premier

Il y a un décalage immense entre la communication politique et ce que disent certains soldats. Ce sont eux, pourtant, qui seraient envoyés en première ligne. Ce sont leurs corps, leurs vies, leurs familles, qui paieraient l’addition.

Et quand un lieutenant de 24 ans explique publiquement qu’il s’attend à partir en Ukraine, qu’il ne sait pas quand, ni comment, ni pourquoi, mais qu’il se prépare intérieurement à l’idée de pertes massives… on ne peut pas balayer ça d’un revers de main.

On peut être pour ou contre telle politique étrangère, on peut avoir mille opinions différentes sur l’Europe, l’OTAN, la Russie, l’Ukraine… mais une chose devrait nous rassembler : on n’envoie pas une génération au front sans débat démocratique clair et sans ligne stratégique intelligible.

Aujourd’hui, ce débat n’existe pas.
On avance sans dire où on va.
On prépare les esprits avant même de préparer les arguments.

Un peuple fatigué, une jeunesse qui dit non

On nous explique que les jeunes seraient devenus individualistes, dépolitisés, fragiles.
C’est faux.
Ils sont lucides. Ils posent la question essentielle :
“Pour quoi, pour qui, veut-on que je meure ?”

Le sondage Odoxa le montre très bien : en un an, la volonté des moins de 35 ans de défendre le pays s’est effondrée de 20 points.
Ce n’est pas un rejet de la France.
C’est un refus d’être embarqué dans une stratégie floue, où les intérêts ne sont jamais nommés clairement, où les risques sont tus, et où la peur devient un outil politique.

Fabrication d’un nouveau récit : le “patriotisme européen”

On commence à entendre un nouveau concept dans les médias : le patriotisme européen.
On tente d’expliquer que défendre un pays tiers, c’est défendre l’Europe, donc défendre la France.
Le problème, ce n’est pas l’idée d’Europe.
Le problème, c’est qu’on tente de remplacer un patriotisme national par un patriotisme supranational… sans demander l’avis à personne.
Comme si l’identité, ça se décidait dans un communiqué de presse.

Historiquement, les nations se forgent par des cultures, des langues, des histoires communes.
Pas par des slogans improvisés sous pression géopolitique.

Une démocratie qui ne ressemble plus à elle-même

Le plus inquiétant, ce n’est pas la situation militaire en elle-même.
C’est la façon dont les décisions se prennent :
sans débat public,
sans consultation,
sans transparence.

On a l’impression d’un pouvoir exécutif qui avance seul, sans garde-fou, sans contre-pouvoir.
Et quiconque pose des questions légitimes pas extrêmes, pas idéologiques est immédiatement classé “pro ceci”, “anti cela”, “dangereux”, “naïf”, ou “mal informé”.

C’est une manière subtile de faire taire les doutes, alors que les doutes devraient être le moteur d’une démocratie saine.

Les fous ne sont pas dans la rue. Ils sont parfois en costume.

Je repense à cette phrase de Charles Gave :

“La France est devenue un asile psychiatrique à ciel ouvert, et les fous ont pris le contrôle de l’asile.”

C’est violent, oui.
Mais parfois, il faut des phrases violentes pour décrire une situation qui l’est tout autant.

Parce que la vérité est simple :

Les soldats ne veulent pas de cette guerre.
Les citoyens ne veulent pas de cette guerre.
Les familles ne veulent pas de cette guerre.
Et pourtant, discrètement, inexorablement, la machine avance.

Dire non, pendant qu’il est encore temps

L’Histoire se répète toujours de la même manière :
– On prépare les esprits.
– On fabrique un récit.
– On agite la peur.
– On désigne un ennemi absolu.
– Et quand les gens se réveillent, il est trop tard : le conflit est déjà lancé.

Je ne dis pas que la France va entrer en guerre demain.
Je dis que personne ne pose les questions les plus simples, alors qu’elles brûlent les lèvres :

Quels sont les objectifs réels ?
Quelle est la ligne rouge ?
Qui décide d’envoyer les jeunes mourir ?
Qu’est-ce qui justifierait qu’on franchisse un point de non-retour ?

Une nation n’est pas obligée d’être aveugle pour être courageuse.

“Tu n’es pas obligé d’être si aveuglé par le patriotisme que tu ne vois plus la réalité. Le mal reste le mal, peu importe qui le commet.”
- Malcolm X

“La paix n’est pas l’absence de guerre. C’est un état d’esprit.”
- Nelson Mandela

“Œil pour œil… et bientôt tout le monde sera aveugle.”
- Gandhi

Aujourd’hui, ce qui manque, ce n’est pas la force.
Ce n’est pas le courage.
Ce n’est pas l’armée.
Ce n’est pas la jeunesse.

Ce qui manque, c’est une parole politique honnête, qui dit où nous allons, pourquoi nous y allons, et quels risques nous acceptons collectivement.

Tant qu’on ne l’a pas, on a le droit et même le devoir de demander des comptes.
Pas pour faire du bruit.
Pas pour faire peur.
Juste pour éviter qu’un matin, on se réveille en se demandant comment une nation entière a pu se laisser entraîner dans quelque chose qu’elle n’avait jamais voulu.



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