Tunisie: derrière la grogne, des espoirs déçus et un pouvoir d'achat en berne


Manifestation pour le 7e anniversaire de la révolution tunisienne, le 14 janvier 2018 à Tunis.
© REUTERS/Amine Ben Aziza

Par Léa-Lisa Westerhoff Publié le 17-01-2018 Modifié le 17-01-2018 à 12:23

Alors que la Tunisie fêtait le 7e anniversaire de sa révolution, dimanche 14 décembre, la liesse qui avait suivi à l'époque suivi la chute du dictateur Zine el-Abidine Ben Ali est un lointain souvenir. Aujourd’hui, le bilan est morose. Beaucoup d’espoirs sont déçus. Le chômage est plus haut que jamais et l’économie en crise. Des mesures d’austérité adoptées le 1er janvier dernier ont provoqué un véritable soubresaut de colère populaire il y a une dizaine de jours.

« Travail, liberté, dignité ». Ce slogan de la révolution de 2011 a de nouveau résonné dans les rues de Tunis dimanche 14 janvier. Car sept ans après la chute de Ben Ali, il y a toujours trop de chômage et une liberté d’expression fragile. La dignité quant à elle est sérieusement entamée, disent certains Tunisiens. Par ailleurs, le dinar s’est écroulé ces derniers mois et les prix n’ont cessé d’augmenter.

Enfin, le 1er janvier, une loi d'austérité a mis le feu aux poudres. Des jeunes se sont organisés et ont lancé un appel à manifester dans tout le pays. Une façon de dire « trop c’est trop », comme l’explique Henda Chennaoui, l’une des fondatrices de ce mouvement baptisé « Fech Nestannew » – « Qu’est ce qu’on attend » en arabe.

« Tous les Tunisiens [...] sont concernés par cette loi, soutient-elle. Qu'on ait 20 ans, 30 ans, qu'on ait une voiture ou non, si l'essence augmente ça va se répercuter sur tous les prix, pas seulement sur l'essence. Et même si ça ne touche pas directement la jeunesse, aujourd'hui quel avenir pour cette jeunesse ? Ça devient vraiment dur en fait et c'est un constat partagé par la majorité des Tunisiens. »

Des réformes d'austérité au cœur de la grogne

Avec un revenu minimum d’à peine plus de 100€, un taux de chômage de 30% chez les jeunes, la loi de Finances qui impose une augmentation des taxes sur l’essence, les cartes téléphoniques entre autres, et une augmentation des impôts, cristallisent les mécontentements. Mais pour le sociologue Amine Allal, chercheur à l’Institut du Maghreb contemporain, cette nouvelle loi n’explique que partiellement le fait que les jeunes descendent dans la rue.

« Une loi de Finances pour des jeunes hommes de 15 ou 16 ans qui se mobilisent contre la police comme on les a vus dans certains quartiers populaires, ça ne représente pas beaucoup de choses concrètes. Néanmoins il y a des vrais problèmes au quotidien pour de grandes catégories de la population qui sont la hausse des prix, une représentation réelle et concrète d'une baisse du pouvoir d'achat. Mais surtout, tout cela est articulé ou est à penser de manière corrélée à un blocage institutionnel et politique. Non pas institutionnel au sens où les institutions ne fonctionneraient plus, mais un désinvestissement de la population au quotidien, un désintérêt politique », explique Amine Allal.

Défiance envers les politiques

Beaucoup de Tunisiens ne croient donc plus à l’efficacité des hommes politiques pour résoudre leurs problèmes. Ce constat revient tout le temps dans les quartiers où les jeunes ont manifesté, voire se sont affrontés à la police. Selon eux, les politiques ne sont intéressés qu’à leur salaire et leurs privilèges et ne font rien pour les jeunes. C’est aussi ce qu’explique Anis, 31 ans, un professeur de mécanique qui ne trouve pas de travail. Pour lui, manifester et brûler des pneus sont les seuls moyens d’essayer de se faire entendre.

« Depuis un an on voit bien que le dernier des problèmes de ce gouvernement, ce sont les chômeurs et la nécessité de trouver du travail aux gens, assure-t-il. Ces manifestations sont donc un message pour tout le gouvernement et les hommes politiques. Moi, en tant que membre d’une association de chômeurs, je soutiens ceux qui manifestent chaque nuit et brûlent les pneus ! Aujourd’hui, le gouvernement utilise le fait que quelques-uns ont cassé ou volé pour arrêter beaucoup de personnes et faire peur au peuple pour qu’il arrête de sortir dans la rue. »

Ces derniers jours, la mobilisation a perdu de son ampleur. Depuis le 8 janvier, 930 personnes ont été mises derrière les barreaux. Il y a aussi eu une campagne médiatique très négative diabolisant les manifestants. Mais les jeunes des quartiers populaires tout comme ceux du collectif « Qu’est qu’on attend » promettent de nouveaux rassemblements si le gouvernement ne met pas rapidement fin à cette augmentation des prix.
source: RFI

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