En Tunisie le printemps continue au cinéma ?

Le Billet culturel par Mathilde Serrell
Si la colère sociale gronde, le cinéma continue de porter des espoirs de changements 7 ans après la chute de Ben Ali.





Photo de Mariam Al Ferjani, dans le film "La Belle et la Meute" Crédits : Jour2fête / Allociné

Si la colère sociale gronde face au chômage, à la corruption et aux restrictions budgétaires en Tunisie, le cinéma continue de porter des espoirs de changements 7 ans après la chute de Ben Ali.   
En ce moment, événement inédit, le premier festival de cinéma queer du monde arabe se tient justement à Tunis, jusqu’au 18 janvier. Le « Mawjoudin queer festival ». Organisé par l’association du même nom « Mawjoudin », qui est née après la révolution de 2011. 
Comme « Chouf » ou « Shams » d’autre associations engagées contre le sexisme et l’homophobie en Tunisie, et pour les droits des personnes LGBTQI (lesbiennes, gays, bisexuelles, transexuelles, queers et intersexes). « Mawjoudin » a obtenu son statut légal d’association en 2015, et organisait jusqu’ici des projections et débats dans son club de cinéma « cinexist ». 
Là c’est donc la première fois que se monte en Tunisie, un festival autour de films qui traitent des identités de genre et des orientations sexuelles non-normatives. Une petite révolution du reste impensable du temps de Ben Ali. Un espace de débats aussi, pour trouver les moyens de se faire entendre sur la scène publique. Un des objectifs : déclencher une évolution juridique dans un pays où l’homosexualité peut encore valoir jusqu’à 3 ans d’emprisonnement. 
L’événement se déroule dans une certaine discrétion, et les lieux des manifestations sont annoncés par le bouche à oreille, mais l’élan lui se veut national. Et surtout pas déconnecté du reste territoire. Contre ce cliché, d’un mouvement bourgeois réservé à la banlieue nord de Tunis, « Mawjoudin » avait organisé une campagne « Ici aussi, l’homosexualité existe », coming out collectif où chacun participait avec des photos, le nom de sa ville et le hashtag #Mawjoudin. 
Au vrai, si le soulèvement actuel et une initiative comme celle de Mawjoudin n’ont en apparence rien à voir, on aurait peut-être tort de mettre leurs revendications sur deux planètes totalement distinctes. Sur son site l’association réclame « une société qui fait la promotion de l’intégrité, de la dignité et qui célèbre la différence ». Si l’intégrité est mentionnée, c’est que le système de corruption est lui aussi dénoncé comme le cadre où prospère les discriminations.  À travers le cinéma encore, c’est un film comme « la belle et la meute » de la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania qui fait aussi ce lien. Présenté à Cannes dans la catégorie  « un certain regard » et sorti en novembre en Tunisie, il transposait l’histoire vraie de Mariam, violée par deux policiers, et engagée dans une lutte contre une administration hospitalière et policière où ses interlocuteurs hommes ou femmes tentent d’étouffer sa plainte et retourne l’accusation contre elle.


Dans « la belle et la meute », et dans ces extraits à l’hôpital et au commissariat, on ne voit pas une opposition de genre, mais comme le dit la réalisatrice « des hommes et des femmes oppressés ou corrompus par des fonctionnements très hiérarchiques qui perpétuent des situations injustes », elle ajoute « lorsque tout un système est corrompu, il devient très difficile pour l’homme ou la femme intègre de résister ». Certes les choses changent, le film est d’ailleurs en partie financé par le Ministère de la Culture, et dans la vie les auteurs du viol ont été condamnés à 7 ans de prison, puis 15 ans en appel, mais pas assez.

En finir avec la permanence d’une administration de l’ancien régime, c’est ce qui se lit sur les écrans et dans la rue.

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