Les Tunisiens de France commencent à voter

Par Philippe Lesaffre
Les Tunisiens de France commencent à voter
La campagne bat son plein en Tunisie. 
Ici un sympathisant colle une affiche pour le parti islamiste Ennahda. 
Mais en France aussi, les Tunisiens vont voter cette semaine.
REUTERS/Zoubeir Souissi

Les Tunisiens de France élisent aussi des représentants pour l'Assemblée constituante, de jeudi à samedi. Tarek Toukabri, tête de liste du Parti démocrate progressiste dans la circonscription France-Nord, veut faire partie des élus des Tunisiens de l'étranger. Portrait. 

"Je n'y ai pas cru", sourit Tarek Toukabri. Ce Tunisien de 55 ans, tête de liste du Parti démocrate progressiste (PDP, centre-droit) pour ses compatriotes de France, n'en revient toujours pas. "Nous avons évité le pire. Tant mieux", souligne-t-il à propos de la "transition" après le départ de Ben Ali, au pouvoir depuis 1987. "Nous n'avons pas coupé les têtes des caciques de l'ancien régime", se réjouit cet homme politique. Il a suffi de dissoudre la Constitution, le gouvernement et le Parlement, soit réaliser "une remise à plat des institutions", résume cet opposant aux deux derniers chefs d'Etat tunisiens, Habib Bourguiba et Ben Ali
Sous leur régime respectif, ce militant des droits de l'Homme a subi trois confiscations de passeport par le ministère de l'Intérieur. "A chaque fois, je devais attendre entre six et huit mois" avant de pouvoir revenir "au pays". Arrivé en France en 1979 pour ses études - "car, dans mon pays, c'était le bazar" -, Tarek Toukabri, a grandi à Toukabeur, un village dans le Nord-Ouest. Depuis le mois de janvier dernier, il peut s'y rendre plus souvent. Il a pu, par exemple, revoir son école primaire et sa fille, en classe de CE2, a eu l'occasion d'y suivre des cours pendant une semaine, ce qui l'a rendu "très heureux". "Elle ne voulait plus repartir", sourit ce père de trois filles. La plus âgée, une étudiante née en France, peut voter: "Je connais bien la politique française, glisse-t-il, alors elle me demande mon avis." 
Vie associative
Dès le début des années 80, Tarek perce dans le milieu associatif en France. Avec le mouvement des étudiants tunisiens, il "arrache" des inscriptions d'étudiants à l'université avec le soutien de l'Union nationale des étudiants de France (Unef). Ce militant se mobilise en faveur des droits des sans-papiers et des sans domicile fixe. "Sur le terrain", il entre en contact le Parti communiste français. 
Tarek Toukabri, 55 ans, tête de liste du Parti démocrate progressiste (PDP, centre-droit) pour ses compatriotes de France.
Tarek Toukabri, 55 ans, tête de liste du Parti démocrate progressiste (PDP, centre-droit) pour ses compatriotes de France.
Philippe Lesaffre/LEXPRESS.fr
Aider ces concitoyens exilés en France via le milieu associatif permet, selon ce militant, de "toucher plusieurs sensibilités politiques". Il participe au lancement en 1981 de l'Association des Tunisiens de France (ATF) et préside, entre 1987 et 2006, le bureau de Paris. Co-fondateur du PDP en 1983, il choisit ensuite de se mettre en retrait de sa formation politique tout en restant, concède-t-il, "un sympathisant". 
Mais le départ du "dictateur" a tout chamboulé: son goût pour la politique reprend le dessus. Il brigue un siège au sein de l'Assemblée constituante pour "rendre la vie de ces concitoyens plus facile". 
"Je respecterai la décision du peuple"
La France compte 600 000 Tunisiens qui seront représentés par dix élus, cinq de la circonscription du Nord de l'Hexagone, cinq du sud. Tête de liste du PDP dans la circonscription France-nord, Tarek Toukabri se lance dans la campagne. Comme pour chaque liste, l'Instance supérieure indépendante pour les élections (l'Isie, une commission ad-hoc chargée de l'organisation du scrutin) lui a donné 1600 euros au début de sa campagne. Le même montant lui sera transmis juste avant l'élection, si les membres de ladite liste lui présentent des factures correspondant aux dépenses liées au premier financement. "Pour des petits partis, c'est trop juste", confie-t-il, avant de citer quelques-unes de ses dépenses personnelles relatives à la location de salles de réunions, à l'utilisation de sa voiture, aux factures de téléphone: "J'ai des copains, notamment de l'ATF, qui m'aident aussi pour la distribution de tracts." 
Le candidat pense alors aux critiques qu'on lui a adressées sur sa campagne. "Elle aurait été trop pariso-parisienne selon certains." Il représente les Tunisiens vivant au Nord de la France mais il ne se déplaçait guère au-delà de l'Ile-de-France. Ainsi est-il parti plusieurs fois à Lille, par exemple, pour "convaincre". 
Et si on ne lui accordait pas sa confiance? "Je respecterai la décision du peuple." Tarek Toukabri estime toutefois avoir des chances de se voir élire. "Ce sera la première fois que je me rends aux urnes et je voterai pour moi." Ce cadre informatique, en poste au Bourget, devra, en cas d'élection, faire des allers-retours entre Tunis et Paris. "J'ai eu l'accord de mon patron", sourit-il. Si sa liste PDP obtient un meilleur résultat qu'au niveau national, Tarek Toukabri sera "ravi". Si ce n'est pas le cas, il comparera son score, confie-t-il, tout sourire, avec celui des autres têtes de liste en France. 
Les islamistes veulent-ils se venger?
Tarak Toukabri craint en revanche l'abstention en France. Et se fixe un objectif: "30% de participation et je serais satisfait", glisse-t-il avant de pointer du doigt la faible quantité des lieux de vote en France - 45 en Ile-de-France et 85 dans la partie Nord du pays. "On vote jeudi 20, vendredi 21 et samedi 22 octobre. Les gens travaillent les deux premiers jours et certains devront se déplacer assez loin." Résidant à Gossainville, dans le Val d'Oise, il se rendra, lui, à quelques kilomètres plus loin, à Argenteuil. Et que pense Toukabri du nombre record de partis politiques - 110 formations - qui participent au scrutin? "Les électeurs seront perdus, concède-t-il, mais c'est le jeu démocratique. Tant mieux." 
En Tunisie, sa formation atteindrait, selon les sondages, la deuxième place juste derrière le mouvement des islamistes (Ennahda). Un parti qu'il critique volontiers au-delà de son respect pour la liberté d'expression: "Il était le plus réprimé des mouvements sous Ben Ali et je les défendais, assure ce militant, mais il préfère aujourd'hui ne pas se positionner sur des sujets importants. Je me méfie, veut-il se venger?" Les islamistes disent soutenir la cause des femmes, pourtant. "Oui, mais je ne les ai jamais vus sur le terrain en faveur des sans-papiers, par exemple." Combien de temps la constituante mettra-t-elle pour rédiger la nouvelle Constitution? "Ennahda voulait une existence de trois ans, nous voulions que ce soit plus rapide, entre six mois et un an. Nous avons obtenu gain de cause", confie-t-il. Avant de conclure : "Si les islamistes forment un gouvernement, le PDP sera dans l'opposition." 
source: L'Express

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