Tunisie/ interdiction de la publication des sondages : Une hérésie




Dans les démocraties anciennes, les sondages font partie intégrante du jeu politique. Les instituts de sondage scrutent sans cesse l’actualité et les sorties des hommes politiques, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, pour déterminer leur indice de confiance, et la perception de leurs décisions et actions auprès des électeurs. Dans ces pays, il y a une gradualité dans la réalisation et l’analyse des sondages. L’action d’un président en exercice, pour ne citer que cet exemple, est évaluée à l’aune des sondages de début de mandat, de mi-mandat, et de fin de mandat, voire de la veille de la campagne électorale. Sur le long terme, les résultats des sondages sont utilisés comme un outil de comparaison de la cote de popularité entre un président en exercice et son ou ses prédécesseur(s), une manière d’entretenir la mémoire politique collective.

Les prophéties des sondeurs, même si elles ne sont pas exemptes de marge d’erreur, servent de base pour animer les débats publics, permettent aux hommes politiques de rectifier le tir, et à la population d’avoir voix au chapitre, et de se sentir, par ricochet, impliquée dans la gestion des affaires de la cité.

En Tunisie, certes nous n’avons pas une tradition en matière de sondage. Les quelques instituts de sondage locaux sont plutôt spécialisés dans le marketing, la mesure de l’audimat télé, et n’avaient point la latitude d’approcher le champ politique verrouillé sous l’ancien régime. Après le 14 Janvier, et le passage miraculeux de la Tunisie d’un monopartisme figé à un multipartisme démesuré, les instituts de sondage ne pouvaient trouver un meilleur climat pour accompagner et déterminer, autant que faire se peut, les contours cette métamorphose politique sans précédent dans nos contrées. Tout naturellement, les instituts de sondages tunisiens sont novices en politique, leur tâche était, d’autant plus difficile, qu’ils devaient appréhender un champ politique qui était à ses premiers balbutiements, et sonder une population qui était dans sa majorité en totale rupture avec la chose publique, pour les raisons que tout le monde connaît.

Les premiers sondages publiés ont porté sur la notoriété et la popularité des acteurs politiques, ou des partis politiques, leur crédit auprès des électeurs potentiels, la perception de la situation politique et économique par les Tunisiens, etc. Quand bien même leurs résultats étaient à prendre avec prudence, ces premiers sondages exploraient un terrain en friche, et renseignaient quelque peu sur les rapports entre Tunisiens et politiques dans cette reconfiguration postrévolutionnaire. Les médias s’empressaient à en porter les résultats à la connaissance du public. Ils y ont à peine pris goût, que l’instance électorale leur intime l’ordre d’arrêter.

Cette interdiction prend effet à partir du 1er octobre, à la veille du démarrage de la campagne électorale prévue le 02 octobre. Raison invoquée : le vide juridique et institutionnel garant de la neutralité et de la transparence des sondages en période électorale. Un argument peu solide. En cette période transitoire, la Tunisie vit un vide juridique ambiant, nos lois ont été tellement dénaturées et travesties, qu’elles risquent d’être considérées, au moins en partie, comme nulles et non avenues.

La Tunisie vivra dans quelques semaines les premières élections libres, transparentes et démocratiques de son histoire. Celles-ci seront précédées par une campagne électorale, pas comme ses précédentes, avec des temps de parole et des règles équitables pour tous les candidats.

A l’approche de l’échéance électorale, les instituts de sondage doivent fonctionner à plein régime, pour dévoiler les intentions de vote, les résultats dont sont crédités les différents partis, le taux de participation prévisible aux élections, etc. Mais cela ne sert à rien de réaliser des sondages pour que leurs résultats restent dans les tiroirs, la presse n’ayant pas le droit de les diffuser. Une interdiction dont les motifs restent flous. De quoi a-t-on peur ? D’influencer les électeurs peut-être ? Ce serait une insulte à l’intelligence du Tunisien et à sa capacité d’exprimer dans les urnes ses intimes convictions, en toute âme et conscience. Et puis, pourquoi vouloir imposer des restrictions aux médias, à l’heure où ils peinent à se remettre de leur atonie encore récente.

L’aboutissement du processus démocratique requiert des médias responsables, respectant les règles de l’éthique, jouant pleinement leur rôle, et non des médias aux ordres. Sous d’autres cieux, les grands médias vont jusqu’à prendre partie en faveur d’un candidat et donner des consignes de vote. En Tunisie, nous n’en sommes pas encore là, et nous n’avons pas à copier le modèle des uns ou des autres. Nous devons creuser notre propre sillon, apprendre à marcher sur la route sinueuse de la démocratie, en nous affranchissant de nos complexes. Au départ, nous allons tituber et trébucher, mais nous finirons, par la volonté de tous, d’être debout.

source: gnet.tn

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