Les « envahisseurs » se noient

Par Henrik Lindell

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250 migrants sont morts au large des côtes tunisiennes le 2 juin, 
dans l’indifférence inter­nationale. 
Le bilan humain de ces migrations du désespoir s’alourdit.
La disparition en mer des migrants venant de Libye est devenue un phénomène banal. Environ 1 200 personnes seraient mortes noyées depuis janvier, début des troubles politiques au pays du général Kadhafi. Et la situation ne cesse de s’aggraver depuis le 19 mars, date du début de l’intervention de l’Otan.
En général, il s’agit de naufrages de bateaux de fortune transportant des migrants africains. C’était le cas le 2 juin, lorsqu’un chalutier a chaviré au large des îles tunisiennes de Kerkennah avec quelque huit cents personnes à bord. Les secours tunisiens ont réussi à sauver la majorité des personnes, dont de nombreux enfants et femmes. Mais pas moins de 250 migrants seraient décédés, coincés dans la coque ou tombés dans la mer.
Cette tragédie ressemble à celle du 6 avril, où plus de 150 personnes avaient trouvé la mort dans des circonstances similaires. Les migrants en question cherchaient à gagner Lampedusa en Italie. La plupart d’entre eux étaient d’origine africaine sub-saharienne, mais beaucoup venaient du Bangladesh et d’autres pays asiatiques.
Les rescapés du 2 juin ont été transférés vers le camp de réfugiés de Choucha, en Tunisie, non loin de la frontière libyenne. À en croire des ONG humanitaires, ils vont probablement essayer de regagner la Libye pour ensuite tenter un nouveau départ dangereux vers l’Europe. « Ils pensent que c’est leur seul espoir », résume Sébastien Dechamps, responsable du pôle Urgence et appui au Secours catholiqueen France.

ASSIĒGĒS PAR LA GUERRE
Ces Africains et autres étrangers travaillant en Libye sont poussés au départ à cause des conditions de vie catastrophiques, notamment dans la ville assiégée de Misrata. Ils s’entassent sur des bateaux de pêche surchargés par des passeurs sans scrupules.
Ils n’ont pas à craindre les autorités libyennes, qui ne cherchent même plus à contrôler les flux migratoires. Le régime de Kadhadi les inciterait même à partir, notamment vers l’Europe. Le président libyen avait en effet menacé l’Union européenne d’une « invasion » de migrants africains si jamais son pays était attaqué. Auparavant, l’Union européenne avait effectivement demandé à Kadhadi de gérer les flux migratoires...
Mais si « invasion » il y a, elle est silencieuse. Et meurtrière pour les migrants. Elle concerne aussi beaucoup moins l’Europe que l’Afrique. « Actuellement, c’est surtout la Tunisie et l’Égypte qui accueillent les réfugiés de Libye, explique Sébastien Dechamps. Avant la guerre, environ un million de travailleurs égyptiens vivaient en Libye. La plupart d’entre eux sont rentrés chez eux et ils n’ont plus rien. La Tunisie accueille plusieurs centaines de milliers de personnes. Quant au Niger, des dizaines de milliers de personnes sont accueillies dans des camps de réfugiés. »
Et l’Europe ? D’après Sébastien Dechamps, environ 20 000 réfugiés de Libye seraient passées par Lampedusa. À ce chiffre, on peut ajouter les Tunisiens ayant essayé de partir vers l’Europe. Ceux-là seraient également environ 20 000. « À l’évidence, l’Europe n’est pas envahie par ces migrants. L’Union européenne compte actuellement 500 millions d’habitants. Il y a donc de la place pour ces migrants qui risquent leur vie, poussés par le désespoir et une guerre à laquelle la France participe grandement. »
Au Secours catholique, comme dans d’autres organisations chrétiennes, on n’hésite plus à dénoncer les politiques anti-immigration en Europe qui ne font qu’aggraver les problèmes humanitaires. Reprenant le discours officiel de l’Église catholique, Sébastien Deschamps explique : « Il faut cesser de voir le flux migratoire comme une menace pour l’Europe, car cette menace est imaginaire. Et de toute façon, nous avons un devoir de solidarité. »
source: temoignagechretien.fr

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