La date des élections en Tunisie, un sujet extrêmement sensible


Par Ursula Soares
Les élections en Tunisie pour désigner une assemblée chargée de rédiger une nouvelle Constitution, en remplacement de celle de l’ancien régime, ont été fixées au 23 octobre. Ces élections, qui seront les toutes premières après le soulèvement populaire de décembre et janvier derniers, avaient été fixées à l’origine au 24 juillet.
La majorité des partis politiques tunisiens se sont inclinés ce mercredi 8 juin face à la décision du gouvernement de repousser les élections au 23 octobre. Lorsque la date initiale du 24 juillet avait été proposée par le gouvernement, la commission électorale indépendante, contre l’avis du gouvernement et de certains partis, avait demandé un report au 16 octobre en affirmant avoir besoin de ce délai pour organiser une élection crédible et transparente.
A l’époque, les grands partis de l’opposition ainsi que l’opinion publique ne souhaitaient pas ce report car ils redoutaient que le gouvernement ne renonce à sa promesse de mener la Tunisie sur la voie de la démocratie. Tous craignaient que la révolution ne soit confisquée.
Face à la pression de la rue et pour éviter le bras de fer avec la commission électorale, le gouvernement finit par reconsidérer la date initiale et arrêter celle du 23 octobre.
D’âpres négociations se sont tenues ces dernières semaines
Suite également à un vif débat avec les différents partis politiques tout au long de ces dernières semaines, et après accord avec les partis politiques, le gouvernement tunisien a fini par trancher. Ce mercredi 8 juin, le Premier ministre de transition, Bedji Caïd Sebsi, a déclaré à la presse : « Nous avons pris en compte tous les avis et nous avons décidé de tenir les élections le 23 octobre […] Le plus important, c’est d’organiser des élections libres et transparentes ».
La commission indépendante électorale avait elle-même affirmé avoir besoin de ce délai pour organiser une élection crédible et transparente. Les responsables électoraux avaient fait valoir des problèmes techniques et logistiques et notamment le fait que près de 400 000 Tunisiens n’ont toujours pas de carte électorale.
Au micro de RFI, Kamel Jendoubi, le président de la Commission électorale indépendante, nous parle de la mission.

Kamel Jendoubi, président de la commission électorale indépendante
La mission de la commission électorale lui impose de garantir que les élections soient transparentes, plurielles, indépendantes et honnêtes.

08/06/2011 par Constance de Bonnaventure


L’influent mouvement islamiste Ennahda (« Renaissance »), violemment combattu sous le régime Ben Ali, a finalement approuvé ce report, après avoir insisté sur le respect de la date initiale du 24 juillet, au nom de la stabilité du pays, dépourvu d’institutions légitimes depuis près de cinq mois. Ce grand parti, légalisé le 1er mars dernier et crédité de fortes intentions de vote par les experts, s’est finalement rallié à cette idée de reporter les élections au 23 octobre.
Ecoutez les explications sur RFI de Ajmi Lourimi, un des membres fondateurs d’Ennahda.

Ajmi Lourimi, un des membres fondateurs d'Ennahda
On va respecter cette date et on va demander à tous les partis de respecter tout le processus électoral.

08/06/2011 par Christine Muratet


 Autre accord : celui du Parti démocratique progressiste (PDP), une autre grande formation politique tunisienne qui s’est également rangée à l’avis de la commission électorale.
De son côté, le Forum démocratique pour le travail et les libertés dont le président est l’opposant historique tunisien, Moustafa Benjaffar, est lui aussi favorable.

Moustafa Benjaffar, président du Forum démoctratique pour le travail et les libertés.
Nous sommes, depuis le début, favorables à ce report.

08/06/2011 par Christine Muratet


 En ce qui concerne les petits partis, la plupart créés dans la foulée de la chute du régime, étaient favorables à un report pour mieux se préparer aux élections.
RFI a recueilli la réaction de Abderazek Hamani, le président du Parti du travail patriotique et démocratique, un parti légalisé en début d’année.

Abderazek Hamani, président du Parti du travail patriotique et démocratique
Nous étions, depuis le début, favorables à ce report afin que les Tunisiens puissent mieux connaître les nouvelles formations politiques.

08/06/2011 par Christine Muratet


De son côté, Mohamed Kilani, secrétaire général du Parti socialiste de gauche, a quant à lui critiqué la méthode, la comparant aux habitudes de l’ancien régime, mais il a lui aussi accepté : « Ils nous invitent pour nous dire que l’élection est reportée. Toutefois, nous acceptons malgré nous », a-t-il affirmé.
La difficile transition démocratique
Après un mois de manifestations, les Tunisiens ont chassé le président Zine El Abidine Ben Ali, le 14 janvier. Un départ qui a mis un terme à 23 ans d’un règne sans partage et lancé le « printemps arabe ».
Les Tunisiens devront maintenant élire une Assemblée constituante, qui aura la tâche d’adopter une nouvelle Constitution et de préparer de nouvelles élections. Plusieurs défis sont d’ores et déjà lancés : l’organisation d’un scrutin crédible ; relancer la machine économique et sociale et restaurer la situation sécuritaire très fragilisée.
Selon le ministère tunisien des Affaires sociales, cité par l’agence officielle TAP, près d’un quart de la population tunisienne vit actuellement en dessous du seuil de pauvreté, et le chômage touche 700 000 personnes dans le pays. 69% des chômeurs sont âgés de
moins de 30 ans et le gouvernement redoute que le chômage, autour de 13% de la population active en 2010, monte aux alentours de 20% cette année.
Cette élection cruciale, qui aura valeur de test pour la transition démocratique dans ce pays récemment sorti d’une dictature, promet d’être suivie attentivement par la communauté internationale.
source: RFI

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