Un inquiétant tournant sécuritaire qui suscite la colère populaire tUNISIE
Le gouvernement transitoire a réinstauré le couvre-feu sur Tunis, après les manifestations de vendredi. Les Tunisiens redoutent les manipulations des islamistes et celles des nostalgiques de la dictature.
Tunis, envoyée spéciale.
«Nous sommes entrés dans une zone d’incertitudes lourdes de dangers. » Comme tous ses compatriotes, Massaoud Romdhani, syndicaliste et militant des droits de l’homme, affiche son inquiétude sur le regain de tension en Tunisie. Hier, le gouvernement transitoire a réinstauré le couvre-feu sur Tunis, espérant mettre un terme aux violences qui ont éclaté, ces dernières nuits, dans les quartiers populaires de la capitale tunisienne. Jeudi dernier, la tension est brutalement montée, après les déclarations de l’ancien et éphémère ministre de l’Intérieur, Farhat Rajhi, qui a accusé les proches du dictateur déchu de tirer les ficelles de la transition. Ce magistrat a aussi mis en cause l’armée, dans une vidéo postée sur Facebook, en évoquant la préparation, selon lui, d’un coup d’État militaire en cas de victoire des islamistes d’Ennahda à l’issue de l’élection de l’Assemblée constituante, prévue le 24 juillet. Fondées ou non, ces allégations ont rencontré un large écho, en particulier chez les plus jeunes, convaincus qu’un « gouvernement de l’ombre » travaille à la confiscation de « leur » révolution.
Les propos de Farhat Rajhi ont eu l’effet d’une étincelle, suscitant, en centre-ville, des rassemblements violemment dispersés. Aux abords de l’avenue Bourguiba, lorsque des manifestants tentent de se rassembler, des policiers cagoulés et armés sillonnent les rues perpendiculaires, au prétexte de rechercher des casseurs. Vendredi, des journalistes, dont un photographe travaillant pour l’AFP, ont été pris pour cibles par les forces de l’ordre. L’armée s’est redéployée autour de la place de la Casbah, symbole des rassemblements qui avaient coûté son poste au premier ministre Mohammed Ghannouchi. Un tournant sécuritaire qui suscite l’émoi, la colère ou l’inquiétude. Dans le camp laïque, on redoute que les déclarations de Farhat Rajhi ne profitent aux islamistes, très actifs depuis la chute de Ben Ali. « Ces propos alimentent la campagne victimaire orchestrée par Ennahda », analyse la réalisatrice et militante Selma Beccar. Le troisième gouvernement de transition, dirigé par un vétéran du bourguibisme, Béji Caïd Sebsi, peine à gagner la confiance des Tunisiens, sur fond d’attentes sociales impérieuses, d’inégalités profondes entre la côte et le reste du pays, de doutes sur la date et les modalités des futures élections. « Cette révolution a été voulue par le peuple, mais aussi par une frange du régime, pour laquelle Ben Ali était devenu un grain de sable dans la mécanique du système. Avec ce peuple qui a pris la parole, ce n’est plus un grain de sable qui enraye la machine, c’est une pierre », résume l’écrivain Taoufik Ben Brik. Le chef du gouvernement devait s’exprimer, hier soir, à la télévision. Pas sûr que ses explications suffiront à dissiper un lourd climat de défiance.
Élections reportées ?
L’échéance de juillet pour l’élection de l’assemblée constituante pourrait être décalée de quelques mois. Dans un entretien publié par le journal la Presse de Tunisie, Iadh Ben Achour, président
du Conseil de l’instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, estime que les élections pourraient être reportées au mois d’octobre ou de novembre. La lenteur des discussions
qui ont entouré l’élaboration de la loi électorale a fait qu’elle
ne sera promulguée que la semaine prochaine, avec deux mois
de retard sur l’échéance prévue. Le délai entre cette promulgation et la date du 24 juillet, prévue pour les élections, est trop court. M. Ben Achour estime qu’il n’est pas suffisant pour préparer convenablement les premières élections libres de l’histoire
du pays.
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