Tunisie: "Un report des élections pourrait entraîner une explosion"
Par Marie Simon,

Bassem Bouguerra est rentré des Etats-Unis
pour apporter son aide à la Tunisie de l'après-Ben Ali.
Passé à tabac par la police tunisienne lors
d'une manifestation début mai, il demande au
gouvernement de garantir les droits
de base avant toute autre chose.
pour apporter son aide à la Tunisie de l'après-Ben Ali.
Passé à tabac par la police tunisienne lors
d'une manifestation début mai, il demande au
gouvernement de garantir les droits
de base avant toute autre chose.
DR
Le blogueur tunisien Bassem Bouguerra estime que la patience des Tunisiens à l'égard du gouvernement de transition a des limites. Et ces limites seront bientôt atteintes.
Vous êtes rentré récemment de la Silicon Valley en Tunisie pour apporter votre pierre à l'édifice de l'après-Ben Ali. Ingénieur informatique plein d'ambitions, vous avez vite déchanté, comme vous le racontez sur votre blog. Que s'est-il passé?
Le 6 mai dernier, j'ai voulu couvrir une manifestation après la diffusion d'une vidéo sur Internet où l'ancien ministre de l'Intérieur Farhat Rajhi dit des choses horribles [sur son travail au sein du ministère et son éviction en mars, ndlr]. Je voulais voir la réaction des gens à ses propos.
Ce jour-là, sur l'avenue Bourguiba à Tunis, les policiers avaient clairement décidé de provoquer les journalistes, les blogueurs et tous ceux qui photographiaient ou filmaient le rassemblement. J'ai moi-même été tabassé pendant une heure et demie dans une voiture de police. Mon crime? Avoir filmé des policiers en train de battre un journaliste.
Je me suis alors rendu dans une station de police pour enregistrer une plainte. Les policiers ont souri et avancé tous les prétextes pour me barrer la route, ils n'avaient par exemple pas le matériel nécessaire pour prendre ma déposition, il fallait que je revienne plus tard... J'ai finalement pu porter plainte, mais combien d'autres citoyens se retrouvent bloqués à cette première étape? Combien de violations de leurs droits par des policiers, en toute impunité?
Quelle leçon tirez-vous de cet épisode malheureux?
Nous sommes à la case départ de la démocratie en Tunisie. Et le premier obstacle, ce sont les abus de pouvoir de la police. Il faut absolument que le gouvernement de transition y remédie en priorité, en créant par exemple une organisation gouvernementale qui pourra enregistrer les plaintes et mettre en route le processus judiciaire.
En arrivant ici, j'avais de grands projets, je voulais participer à l'informatisation du système judiciaire et policier tunisien, mais après ce que j'ai vu, je me rends compte qu'il faut d'abord garantir les droits de base. Et alors seulement on pourra accomplir de plus grandes choses.
Globalement, comment jugez-vous l'action du gouvernement de transition?
Peut mieux faire! Le gouvernement de transition doit faire des progrès en communication et en transparence. Le Premier ministre est un élève de Bourguiba: en bon paternaliste, il veut que le peuple le laisse faire, et si ce dernier s'en mêle, il menace de partir... Le gouvernement doit apprendre à mieux dire ce qu'ils font, y compris les erreurs commises, afin de rétablir la confiance entre lui et le peuple. Une confiance qui s'effrite, certains Tunisiens craignant que des forces comme le réseau de Kamel Ltaïef [un ancien proche de Ben Ali tombé en disgrâce à mesure que leclan Trabelsi augmentait son emprise, ndlr] ne soient en train de manipuler l'action du gouvernement.
Les Tunisiens ne se sentent donc pas suffisamment bien représentés par cette équipe gouvernementale?
Les slogans des manifestants n'étaient pas politiques mais économiques et sociaux, souvenez-vous. Or le gouvernement de transition se préoccupe davantage de questions politiques aujourd'hui. Les jeunes de Sidi Bouzid ou de Kasserine ne comprennent pas que le travail ou la redistribution des richesses ne semblent pas figurer parmi ses priorités. Et ils s'impatientent. Cela pourrait de nouveau exploser, surtout si les élections sont repoussées.
Vous estimez donc qu'il était donc capital demaintenir la date du 24 juillet, contrairement à la décision finale de la commission électorale, ce jeudi (lire l'encadré)?
Oui. La date du 24 juillet était la seule chose qui nous donnait un peu d'espoir! La commission électorale a estimé que les délais prévus par la Constitution tunisienne n'étaient pas tenables, nous lui demandons de le prouver, en toute transparence. Des appels à manifester en cas de report du scrutin ont d'ailleurs déjà circulé.
Etes-vous déçu de ladémission du blogueur-ministre Slim Amamou, cette semaine?
J'étais pour son entrée au gouvernement, je l'en ai d'ailleurs félicité à l'époque. Il devenait un soldat de la révolution... de l'intérieur. Il a tout essayé mais ses plans se sont visiblement heurté à de trop grandes forces. Aujourd'hui, il estime qu'il peut être plus utile à l'extérieur du gouvernement. C'est la bonne décision, je pense. Car pour changer les choses, il faut le faire de l'intérieur et de l'extérieur.
Vous êtes impatient que la situation évolue... et aussi optimiste?
Oui, je suis optimiste pour l'avenir de la Tunisie. Je l'étais avant le 14 janvier et le départ de Ben Ali, et je le reste.
source: lexpress
source: lexpress
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