Tunisie en convalescence
Quatre mois après la « révolution du jasmin » qui a précipité le départ du président Ben Ali et alors que l’avenir du pays est au cœur des discussions du G8, l’économie tunisienne, atone et en sursis, tente de se relever et de préparer l’avenir.
Mohamed Bouazizi s’est immolé devant la préfecture de Sidi Bouzid le 17 décembre 2010 SIPA
Mohamed Bouazizi s’est immolé devant la préfecture de Sidi Bouzid le 17 décembre 2010. Ce jeune chômeur de 26 ans survivait en vendant des fruits et légumes. Son geste désespéré a servi de déclencheur de la révolution et agi comme un révélateur de la détresse des Tunisiens. « Les moteurs de la révolte sont clairement économiques, note Ridha Gouia, professeur en sciences économiques à l’université El-Manar de Tunis et secrétaire général de l’Association des économistes tunisiens (Asectu). C’était une révolte de chômeurs, due à des déséquilibres régionaux, une révolte pour le pain. » Cause de la révolution, l’économie en a également subi les conséquences de plein fouet.
Croissance bridée
Les prévisions de croissance ont été revues à la baisse. Le Fonds monétaire international (FMI) l’estime désormais à 1,3 % pour l’année 2011 alors qu’elle atteignait 3,7 % en 2010. De son côté, le gouvernement provisoire table sur 1 %. « Certains analystes s’attendent même à une légère récession », précise Stéphane Alby, économiste risque-pays chez BNP Paribas. D’autant que le désordre accompagnant la chute du régime a eu un coût. Les autorités officielles ont estimé le manque à gagner pour l’économie à 2,6 milliards d’euros, soit 4 % du PIB. Depuis janvier, la machine tourne au ralenti : les investissements étrangers – principalement européens, les deux tiers du PIB tunisien dépendent de l’UE – ont diminué de 30 % au 1er trimestre. L’incertitude politique dans laquelle le pays est plongé refroidit les investisseurs et plonge le pays dans l’attentisme. Mais, en l’absence d’un cadre clair, l’économie ne pourra pas repartir. L’élection d’une assemblée constituante, première étape dans la reconstruction d’un système politique stable, devrait se tenir le 24 juillet, mais certaines voix s’élèvent dans le pays pour réclamer son report.
Victime : le tourisme
La révolution a fait une autre victime : le tourisme. Véritable pilier de l’économie tunisienne (il représente 6,5 % du PIB), le secteur a connu une récession de 40 % au cours des quatre premiers mois de l’année 2011. Près de 20.000 emplois ont été perdus. « 20 % de la population vit du tourisme, note Mehdi Houas, ministre du Commerce et du Tourisme de Tunisie : s’il ne repart pas, la situation pourrait être dramatique. » Malgré des efforts de communication et un plan d’aide, la saison s’annonce compromise.
« La Libye constitue notre premier marché avec des réservations en chute de 57 % tandis que celles venues d’Europe ont plongé de 51,5 %, commente Nizar Bahloul, directeur du site d’informations Businessnews. De plus, cette année le ramadan tombe en plein mois d’août ! » Du temps de Ben Ali, les chiffres officiels du chômage tournaient autour de 14 %. Aujourd’hui, les observateurs craignent une explosion du nombre de demandeurs d’emplois, notamment chez les jeunes. Dans certaines régions enclavées du centre du pays, le chômage dépasse même les 40 % !
Progression des exportations
« Il y a malgré tout des points positifs, précise Stéphane Alby. Au premier trimestre, les exportations de produits manufacturiers se sont maintenues et ont même progressé légèrement. Les crédits bancaires alloués au secteur privé ne se sont pas effondrés et, dernier point, des aides internationales devraient bientôt parvenir à la Tunisie. » Tunis a évalué ses besoins à 17,7 milliards de dollars sur cinq ans. La Banque mondiale annonce 1 milliard d’euros pour Tunis afin d’accompagner la transition démocratique. L’Union européenne, par l’intermédiaire de la BERD, doit également venir en aide au pays. « Certains craignent que ces prêts extérieurs ne fassent peser un poids lourd sur les générations futures », commente Nizar Bahloul. Ils sont pourtant nécessaires pour remettre le pays debout. Le modèle actuel de croissance basé sur la sous-traitance n’est pas parvenu à intégrer les 80.000 jeunes diplômés qui, chaque année, arrivent sur le marché du travail. Il va falloir miser sur des activités plus technologiques. « Il faudra surtout mieux répartir les richesses, note Stéphane Alby : ce qui implique un changement de modèle et s’inscrit comme un défi à long terme pour le pays. »
source: francesoir
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