La Tunisie rétablit le couvre-feu et songe à reporter les élections
Marie-Christine Corbier
Le rétablissement du couvre-feu et la brutalité de la police dans les manifestations ne facilitent pas l'action d'un gouvernement qui cherche à attirer les investisseurs pour redresser le pays. Les élections pourraient être reportées.
Aujourd'hui, la sécurité n'est plus une question », lançait jeudi dernier le directeur général de l'Office national du tourisme tunisien, Habib Ammar, en présentant la nouvelle campagne de promotion du tourisme en Tunisie. Samedi, après les manifestations antigouvernementales à Tunis et dans sa région, les autorités ont décrété le rétablissement du couvre-feu dans la capitale et dans d'autres villes, de 21 heures à 5 heures et pour une durée indéterminée. La police a violemment dispersé plusieurs centaines de manifestants en plein coeur de Tunis, jeudi et vendredi. Malgré le couvre-feu, les manifestations se sont poursuivies ce week-end et ont fait un mort à Slimane, dans la banlieue de Tunis, selon un témoin. Des magasins ont été pillés en plein centre de la capitale ainsi que dans sa banlieue nord. Cinq postes de police et de la Garde nationale ont été incendiés.
Les manifestants ont appelé à la « démission » du gouvernement transitoire et à « une nouvelle révolution », estimant que l'exécutif n'était pas capable d'emmener le pays sur la voie de la démocratie.
Le poids des islamistes
Quinze journalistes travaillant pour des médias tunisiens et internationaux ont reçu coups, insultes et se sont vu confisquer leurs appareils photo et caméras lors des manifestations de jeudi et vendredi. La presse tunisienne a condamné ces violences et le ministère de l'Intérieur a présenté ses excuses. Beaucoup s'interrogent sur les origines des troubles - anciens membres du parti unique RCD, islamistes, casseurs : nombre d'hypothèses sont évoquées.
Les manifestations ont démarré après l'interview de l'ancien ministre de l'Intérieur, Farhat Rajhi, publiée sur Internet dans la nuit de mercredi à jeudi, dans laquelle il dénonçait la préparation d'un « coup d'Etat militaire ». « Si le mouvement islamiste Ennahda (Renaissance) gagne les prochaines élections du 24 juillet [pour la mise en place d'une Assemblée constituante, NDLR], le régime sera militaire » , indiquait-il. L'ancien ministre, très populaire, ajoutait : « Le dernier voyage du Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, à Alger a consisté en la coordination sur ce point » et « la nomination, le 18 avril, du général Rachid Ammar au poste de chef d'état-major interarmes n'est qu'une préparation à ce coup d'Etat ».
Le Premier ministre a critiqué des propos « dangereux », méritant « une poursuite judiciaire », visant à semer « la discorde et la zizanie » et à provoquer le report de la date des prochaines élections. Dans un discours à la télévision nationale, dimanche soir, Béji Caïd Essebsi a d'ailleurs laissé planer le doute sur la tenue des élections à la date prévue. « Le gouvernement s'est engagé en choisissant la date du 24 juillet et on tient à cette date, mais si le comité des réformes dit qu'il y a des empêchements techniques et logistiques, ce sera une autre probabilité à discuter. »
De quoi inquiéter encore un peu plus les investisseurs. Or, la relance de la croissance - qui ne dépassera pas 1 % cette année -passe par les investissements et les grands projets. Le poids des islamistes inquiète aussi. « Selon les estimations, ils feraient un score de 10 % à 30 % aux prochaines élections », indique un ancien diplomate. Une coalition regroupant une cinquantaine d'associations a été créée vendredi à Tunis pour « faire barrage à l'intégrisme et à l'islamisme ».
« En cette période difficile, l'Europe devrait soutenir la Tunisie au lieu d'apparaître comme égoïste, conclut ce diplomate. La Tunisie accueille 250.000 réfugiés de Libye alors que l'Europe s'insurge pour 20.000 migrants. L'image de l'Europe en prend un coup et ce n'est vraiment pas dans son intérêt. »
MARIE-CHRISTINE CORBIER
Le rétablissement du couvre-feu et la brutalité de la police dans les manifestations ne facilitent pas l'action d'un gouvernement qui cherche à attirer les investisseurs pour redresser le pays. Les élections pourraient être reportées.
Aujourd'hui, la sécurité n'est plus une question », lançait jeudi dernier le directeur général de l'Office national du tourisme tunisien, Habib Ammar, en présentant la nouvelle campagne de promotion du tourisme en Tunisie. Samedi, après les manifestations antigouvernementales à Tunis et dans sa région, les autorités ont décrété le rétablissement du couvre-feu dans la capitale et dans d'autres villes, de 21 heures à 5 heures et pour une durée indéterminée. La police a violemment dispersé plusieurs centaines de manifestants en plein coeur de Tunis, jeudi et vendredi. Malgré le couvre-feu, les manifestations se sont poursuivies ce week-end et ont fait un mort à Slimane, dans la banlieue de Tunis, selon un témoin. Des magasins ont été pillés en plein centre de la capitale ainsi que dans sa banlieue nord. Cinq postes de police et de la Garde nationale ont été incendiés.
Les manifestants ont appelé à la « démission » du gouvernement transitoire et à « une nouvelle révolution », estimant que l'exécutif n'était pas capable d'emmener le pays sur la voie de la démocratie.
Le poids des islamistes
Quinze journalistes travaillant pour des médias tunisiens et internationaux ont reçu coups, insultes et se sont vu confisquer leurs appareils photo et caméras lors des manifestations de jeudi et vendredi. La presse tunisienne a condamné ces violences et le ministère de l'Intérieur a présenté ses excuses. Beaucoup s'interrogent sur les origines des troubles - anciens membres du parti unique RCD, islamistes, casseurs : nombre d'hypothèses sont évoquées.
Les manifestations ont démarré après l'interview de l'ancien ministre de l'Intérieur, Farhat Rajhi, publiée sur Internet dans la nuit de mercredi à jeudi, dans laquelle il dénonçait la préparation d'un « coup d'Etat militaire ». « Si le mouvement islamiste Ennahda (Renaissance) gagne les prochaines élections du 24 juillet [pour la mise en place d'une Assemblée constituante, NDLR], le régime sera militaire » , indiquait-il. L'ancien ministre, très populaire, ajoutait : « Le dernier voyage du Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, à Alger a consisté en la coordination sur ce point » et « la nomination, le 18 avril, du général Rachid Ammar au poste de chef d'état-major interarmes n'est qu'une préparation à ce coup d'Etat ».
Le Premier ministre a critiqué des propos « dangereux », méritant « une poursuite judiciaire », visant à semer « la discorde et la zizanie » et à provoquer le report de la date des prochaines élections. Dans un discours à la télévision nationale, dimanche soir, Béji Caïd Essebsi a d'ailleurs laissé planer le doute sur la tenue des élections à la date prévue. « Le gouvernement s'est engagé en choisissant la date du 24 juillet et on tient à cette date, mais si le comité des réformes dit qu'il y a des empêchements techniques et logistiques, ce sera une autre probabilité à discuter. »
De quoi inquiéter encore un peu plus les investisseurs. Or, la relance de la croissance - qui ne dépassera pas 1 % cette année -passe par les investissements et les grands projets. Le poids des islamistes inquiète aussi. « Selon les estimations, ils feraient un score de 10 % à 30 % aux prochaines élections », indique un ancien diplomate. Une coalition regroupant une cinquantaine d'associations a été créée vendredi à Tunis pour « faire barrage à l'intégrisme et à l'islamisme ».
« En cette période difficile, l'Europe devrait soutenir la Tunisie au lieu d'apparaître comme égoïste, conclut ce diplomate. La Tunisie accueille 250.000 réfugiés de Libye alors que l'Europe s'insurge pour 20.000 migrants. L'image de l'Europe en prend un coup et ce n'est vraiment pas dans son intérêt. »
MARIE-CHRISTINE CORBIER
source: lesechos
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