Ce que signifient les troubles en Tunisie
Par Dominique Lagarde
Des manifestants hostiles au gouvernement,
dans le centre de Tunis, le 8 mai dernier.
REUTERS/Zoubeir Souissi
Comment interpréter le regain de tension en Tunisie depuis quelques jours? Ce sont des propos tenus par l'ancien ministre de l'intérieur Farhat Rajhi sur le web qui ont mis le feu aux poudres. Ce dernier, limogé par l'actuel Premier ministre après quelques semaines à la tête de la police, avait évoqué un "complot", accusant l'armée et le gouvernement de transition de préparer un coup d'Etat dans l'hypothèse d'une victoire du parti islamiste Ennahda lors de la prochaine élection d'une Assemblée constituante, avec la complicité de personnalités originaires, comme l'ancien président Zine El Abidine Ben Ali et avant lui le "père" de l'indépendance Habib Bourguiba, de la région du Sahel. Il s'est depuis excusé... Il est bien difficile de savoir ce qui l'a poussé à tenir de tels propos, aussitôt démentis par l'armée et le chef du gouvernement, Béji Caïd Essebsi. A-t-il simplement cherché à jouer de sa popularité, réelle depuis son limogeage, sans préjuger des conséquences? A-t-il été manipulé, et par qui?
Quoi qu'il en soit, plusieurs dizaines de Tunisiens sont aussitôt descendus dans la rue pour demander la démission des autorités transitoires. Ces manifestations ont débouché sur de violents affrontements entre les contestataires et les forces de l'ordre, rapidement suivies par des actes de vandalisme et de pillage. Au point que le gouvernement a du décider de rétablir le couvre-feu à Tunis et dans plusieurs autres agglomérations.
Rumeurs de report de l'élection
Ces troubles interviennent alors que la Haute instance chargée de préparer l'élection constituante devait, lundi 9 mai, adopter le projet définitif de la loi électorale et que des rumeurs commencent à poindre sur un possible report "pour des raisons logistiques" de la date de la consultation, initialement fixée au 24 juillet.
Dans ce climat, les analystes pointent du doigt deux camps qui peuvent l'un et l'autre avoir intérêt à jouer les fauteurs de troubles: l'extrême gauche d'une part, très certainement sur-représentée dans la rue par rapport à son poids électoral réel, qui peut vouloir retarder l'échéance, et dont le discours est forcément mobilisateur auprès d'une jeunesse durement touchée par le chômage, prête à toutes les surenchères parce qu'elle veut tout, tout de suite; les sbires de l'ancien régime d'autre part, qu'ils soient membres de l'ancien parti au pouvoir, de l'appareil sécuritaire ou de la galaxie affairiste qui entourait le président Ben Ali et son épouse. Certains jeunes à l'origine des pillages de ces derniers jours ont-ils été payés par ces contre-révolutionnaires? Pour beaucoup d'observateurs, c'est plus que plausible. Eux non plus ne veulent pas d'un scrutin qui a pour but de mettre sur les rails la Tunisie nouvelle, d'autant qu'en effet l'influence des "sahéliens" n'y sera plus ce qu'elle était. Lesévasions massives de prisonniers de ces dernières semaines pourraient bien aussi relever aussi de volonté de déstabilisation des même milieux pro-Ben Ali, tentés par la politique de la terre brûlée pour bloquer une évolution dont ils savent qu'elle ne leur sera pas favorable.
La Tunisie restera très fragile tant qu'elle n'aura pas de gouvernement légitime, c'est à dire un gouvernement désigné par une assemblée issue des urnes. Il n'est pas facile, au sortir de plusieurs années de dictature, d'organiser des élections libres dans un délai aussi court. Les questions de logistique sont compliquées, notamment pour faire en sorte que tous les citoyens puissent voter. Mais ajourner le scrutin au mois de septembre ou d'octobre, comme certains l'envisagent, reviendrait à prolonger encore de plusieurs semaines ou de plusieurs mois une période d'incertitude porteuse de tous les dangers.
source: lexpress
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