La France ferme un peu plus ses frontières


Face à l'arrivée de migrants tunisiens en provenance d'Italie, Paris a annoncé le renforcement des contrôles de police jusqu'à 20 kilomètres au-delà de ses frontières. Une décision jugée déplorable par La Stampa, qui s'étonne aussi du désintérêt de l'opinion publique à ce sujet. 
13.04.2011 | Alberto Mattioli | 


Les ministres de l'Intérieur italien Roberto Maroni et français Claude Guéant lors d'une conférence de presse le 8 avril 2011 à Milan.

Les ministres de l'Intérieur italien Roberto Maroni et français Claude Guéant lors d'une conférence de presse le 8 avril 2011 à Milan.
Des immigrés ? Quels immigrés ? Vu de France, c’est le problème de l’Italie et de personne d’autre. Les gros titres de la presse et des JT sont tous consacrés à l’intervention française en Côte d’Ivoire. En revanche, pas un mot ou presque sur les milliers de Tunisiens qui débarquent en Italie dans l’espoir de rejoindre la France, où les attend souvent leur famille : sur quelque 900 000 Tunisiens à l’étranger, les deux tiers vivent dans l’Hexagone. Pour Paris, la situation a été réglée une bonne fois pour toutes. La conduite à tenir est claire : l’espace Schengen n’abolit pas tous les contrôles aux frontières. Pour circuler librement en Europe, un titre de séjour provisoire n’est pas suffisant et l’intéressé doit remplir cinq conditions, désormais aussi célèbres que décriées, imposées par Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, dans une circulaire adressée aux préfets.


Voilà pour la théorie. En pratique, "Guéant le dur" a demandé que la présence policière soit renforcée à la frontière franco-italienne en déployant des CRS, les forces de l’ordre antiémeute. D’après la France, les contrôles seront effectués dans une bande de 20 km au-delà de la frontière et ne dureront pas plus de six heures. En outre, toujours selon Guéant, si la décision de l’Italie (appliquée à partir du mercredi 13 avril) de délivrer des permis de séjour n’est pas contestable sur le plan juridique, "elle n’est pas en stricte conformité avec l’esprit de Schengen". La "doctrine Guéant" n’est donc pas près de changer : "on ne veut pas commencer à pouvoir dire qu’on accepte des immigrés illégaux" en Europe.


Les chiffres communiqués par le ministre parlent d’eux-mêmes : en un mois, 2 800 Tunisiens en provenance d’Italie ont été arrêtés, 1 700 ont été reconduits à la frontière italienne, 200 en Tunisie et les dossiers des autres sont toujours en cours d’examen. Le tout agrémenté de quelques critiques envers l’Europe ("La réponse européenne, c’est l’avis de la France en tout cas, n’a pas été jusqu’ici à la hauteur des événements") et de l’habituel lot de consolation pour l’Italie, c’est-à-dire la participation de la France à des patrouilles conjointes, navales et aériennes, pour surveiller les côtes tunisiennes.


L’opinion publique, du moins celle qui daigne s’intéresser au sort de ces migrants désespérés, est divisée. Patrick Weill, directeur de recherche au CNRS, explique que la querelle entre la France et l’Italie, "c’est de la pure agitation électoraliste […]. Car il n’y a pas d’arrivée massive, contrairement à ce qu’affirme le gouvernement italien et à ce que laissent croire les images spectaculaires provenant de l’île de Lampedusa", et il ajoute sans ambages qu’"il n’y a en réalité aucun 'fardeau' à partager : cet afflux est dans la norme et gérable". De l’autre côté du ring, Samia Maktouf, l’avocate des réfugiés, donne plutôt raison à l’Italie. "Les autorités françaises peuvent contrôler les personnes à la frontière, mais seulement sur la base d'une infraction ou d'un trouble à l'ordre public." Elle ajoute que "même si les réfugiés sont interpellés conformément à la loi ils justifieront désormais de papiers européens leur donnant le droit de circuler sur le sol français en vertu des accords de Schengen". Pour elle, la véritable question, celle qui fâche, la voici : "Comment peut-on à la fois expliquer que l'on bombarde la Libye et en même temps fermer ses frontières ? Il est totalement inhumain de renvoyer systématiquement les réfugiés tunisiens alors que la Tunisie, qui est en pleine transition démocratique, accueille avec ses moyens des milliers de réfugiés fuyant la Libye."
source: courrierinternationa

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