La Syrie atteinte à son tour par le souffle des révoltes
publié le 22/03/2011 à 15:02, mis à jour le 22/03/2011 à 17:25
Pour la cinquième journée consécutive, des centaines de manifestants ont défilé mardi au cri de "liberté" à Déraa et Naoua, dans le sud de la Syrie, confirmant que le pays est atteint à son tour par le vent de révolte qui souffle sur le monde arabe.
Inimaginable il y a encore une semaine dans un des Etats les plus strictement "verrouillés" de la région, la contestation a éclaté vendredi dans cette région du plateau stratégique de Haouran, au sud de Damas, où des bâtiments publics ont été incendiés et quatre personnes tuées par les forces de sécurité.
Le même jour, des petites manifestations ont eu lieu après la grande prière hebdomadaire dans la ville d'Homs, dans le centre du pays, et à Banias, sur la côte. A Damas, toujours vendredi, des cris de "liberté" ont brièvement retenti à la grande mosquée des Omeyades.
Egalement à Damas, à la mosquée de Saladin, dans le quartier populaire de Rouknaldine, le prédicateur s'est fait arracher son micro par un jeune homme qui a eu temps d'exiger qu'il évoque la situation politique avant d'être emmené par la police secrète.
Cet épisode, raconté à Reuters par des fidèles qui étaient présents, est symptomatique du nouveau climat dans un pays où les fidèles s'étaient résignés depuis des décennies aux sermons convenus prononcés dans les mosquées par des imams aux ordres.
Dans la capitale comme dans les provinces, le mur de la peur qui empêchait toute contestation semble se fissurer. La vague de contestation qui balaye le monde arabe ne s'est pas arrêtée comme par miracle à la frontière syrienne.
Des affiches autres que celles, omniprésentes, à la gloire du président Bachir al Assad et des "réalisations historiques" du Baas ont fait leur apparition dans le Haouran. Elles réclament simplement "la liberté".
C'est sans précédent depuis la répression impitoyable des opposants dans les années 1980, du temps de Hafez al Assad, le père du président actuel. Soixante-dix mille personnes ont alors été portées disparues.
L'élite de la société syrienne avait été particulièrement visée, de l'avocat et ancien magistrat Haïssam al Maleh, au dirigeant de gauche Riad al Turk en passant par l'écrivain Akramm al Bounni et le poète Mohamed al Maghout.
Ce dernier a écrit qu'être torturé par ses compatriotes était bien plus humiliant et douloureux qu'être réprimé par le colonisateur français.
Signe d'un changement d'ère, Montaha al Atrach, dont le père avait conduit une révolte contre l'occupation française dans les années 1920, s'est adressée directement à Bachar Assad lors d'une interview à la BBC.
"Dr Bachar, écoutez-nous. La pression et la répression incessantes ne conduiront qu'à l'explosion. Vous le savez et vous voyez bien que la région est en train de bouillir", l'a-t-elle apostrophé, se référant notamment aux révolutions tunisienne et égyptienne.
"Le régime continue à présenter toute demande de changement comme un ferment de troubles et de divisions et en lâchant sur les manifestants les membres des forces de sécurité qui sont déjà partout dans rues", a-t-elle encore déclaré dans cette interview accordée en Syrie.
A Déraa, les habitants estiment avoir surmonté des décennies d'humiliation et de répression, ainsi qu'une appréhension qui les amenaient à suspecter jusqu'à leurs propres parents d'être des indicateurs du régime. "Je sens maintenant le parfum de la liberté", confie un jeune habitant de la ville.
Mais douchant momentanément ses espoirs, les autorités ont arrêté mardi à Damas Loay Hussein, un ancien détenu politique qui s'était fait le porte-parole des manifestants du Sud.
Riad al Turk estime que les dirigeants syriens sont aujourd'hui confrontés à un "moment de vérité". "Ce qu'il faut ce sont des mesures sérieuses et claires pour faire passer la Syrie d'un système répressif à un système démocratique.
"Il y a des mesures exigées avec constance: la libération des détenus politiques, la levée de l'état d'urgence, la mise en place d'un système pluraliste, la séparation des pouvoirs, l'indépendance de la justice et l'abolition de la clause faisant du parti Baas le leader de l'Etat et de la société."
"Ce que je sais, aujourd'hui, c'est que la Syrie ne restera pas le royaume du silence. La peur ne nous fera plus suffoquer et ma patrie ne restera pas une immense prison", se prend à rêver cet octogénaire, qui a passé sous le règne de Hafez al Assad 25 ans de sa vie en prison, dont 18 dans une cellule sans lumière de deux mètres sur deux.
Par Reuterssource: lexpress.fr
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