Tunisie : la crise sociale qui s'étend est le revers de la bonne santé économique
M. Ben Ali et son épouse, Leïla, en octobre 2009 à Carthage.AP/HASSENE DRIDI
En 2007, le Forum économique mondial avait ainsi classé la Tunisie premier pays africain en termes de compétitivité économique, devant l'Afrique du Sud. Les taux de croissance annuels tournent autour de 4,5 % à 5 %, attirant des convoitises et permettant à la Tunisie de discuter pied à pied avec des puissances mondiales. Le 1er janvier 2008, l'accord de libre échange, conclu avec l'Union européenne en 1995, est ainsi pleinement entré en vigueur.
LES JEUNES DIPLÔMÉS, PREMIÈRES VICTIMES DU CHÔMAGE
C'est donc sur cette fibre, réussite économique et patriotisme, qu'a de nouveau joué le chef de l'Etat tunisien en intervenant à la télévision, le 28 décembre, pour dénoncer "l'ampleur exagérée qu'ont pris ces événements à cause de leur instrumentalisation politique par certaines parties qui ne veulent pas le bien de leur patrie".
Comme dans tous les pays du Maghreb, mais peut-être de façon plus vivace ici qu'ailleurs, les jeunes diplômés sont les premières victimes d'un chômage endémique. Si la main-d'œuvre bon marché trouve plus facilement du travail, de plus en plus de ces diplômés doivent en effet se contenter d'un emploi sous-qualifié pour leurs compétences, ou bien choisir la route de l'exil.
Le taux de chômage des diplômés de l'enseignement supérieur augmente depuis plusieurs années : alors qu'il s'élevait à 4 % en 1997, il est désormais nettement supérieur à 20 %, et atteint même près de 60 % dans certaines filières, selon la Banque mondiale.
Photo publiée par la présidence tunisienne de la visite de M. Ben Ali auprès de Mohamed Bouazizi, qui s'est immolé par le feu pour protester contre la confiscation de sa marchandise par la police.AP/Hassene Dridi
Ce sont ces chômeurs diplômés qui se trouvent aujourd'hui au cœur des manifestations en Tunisie, après qu'un jeune, vendeur ambulant de fruits et légumes, s'est immolé par le feu, à Sidi Bouzid, capitale agricole située au cœur du pays, le 19 décembre, parce que la police municipale lui avait signifié qu'il n'avait pas les autorisations nécessaires pour vendre sa marchandise.
A partir de ce drame, une manifestation de solidarité a eu lieu dans la ville, qui s'est étendue dans les jours suivants à plusieurs autres, de Sfax, à Sousse, Kairouan, Le Kef, Bizerte, Gafsa, Gabès, Jendouba…
AVEC L'UNION GÉNÉRALE DES TRAVAILLEURS TUNISIENS
Pour la première fois aussi, la capitale, Tunis, s'est associée au mouvement : à deux reprises, le 25 décembre, puis le 29, des manifestations s'y sont déroulées. Pour la première fois, enfin, ces rassemblements impliquent l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), la centrale syndicale unique.
Conscient du risque de propagation, – malgré le silence des médias tunisiens, Internet et le réseau Facebook ont joué un rôle important dans la diffusion des événements –, le président a réagi en remaniant le gouvernement (quatre ministres, dont celui de la communication, ont été remplacés) et surtout en débloquant des fonds, l'équivalent de 3,3 millions d'euros, pour financer des projets créateurs d'emploi à Sidi Bouzid.
Après les émeutes du bassin minier de Gafsa, en 2008, la région avait bénéficié d'investissements beaucoup plus importants. Cette fois, la partie s'annonce plus dure pour le président tunisien, si l'on en juge par les slogans hostiles scandés par des manifestants dénonçant la mainmise du pouvoir sur l'économie.
Isabelle Mandraud
source: Le Monde
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